L’évadée

samedi 27 octobre 2012
par  Abby-Gaëlle
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22 votes

Chapitre I : L’exécution.

Voilà deux jours que je marche sans relâche, je prie pour qu’il ne soit pas trop tard.

La guerre a dévasté les routes et les barrages sont nombreux. Malgré les risques pour une femme de voyager seule en dehors des sentiers battus, j’ai préféré traverser les campagnes et les bois.
Cela m’a permis contre toute attente de trouver de la nourriture, des baies sauvages, des champignons et même la carcasse à moitié dévorée d’un chevreuil. Je l’ai mangé avec appétit, la faim tiraillant mes entrailles et la cuisson ayant amoindri la pestilence de la viande faisandée.

Je suis aux portes de la ville, le soleil se lève et donne des couleurs flamboyantes aux quelques nuages qui s’éparpillent peu à peu vers l’Est. Mes pieds sont mouillés. La rosée a finalement eu raison de mes chaussures. Je m’en fiche, je vais enfin le revoir.

Une foule abondante, criarde, quasiment en liesse s’est déjà amassée sur la petite place rebaptisée à la peinture fraîche « Place de la libération ». Les convois de prisonniers ne sont pas encore arrivés, le gibet est promptement dressé, le bourreau prêt à officier. La potence a beaucoup servi lors des derniers jours, le faiseur de morts s’attelle à vérifier la solidité des cordes et à tester à l’aide d’un sac de sable le bon fonctionnement de la trappe.

Plusieurs affiches sont gauchement collées, le nom des condamnés typographié en colonne, la liste est tellement longue qu’il me fallut de longues minutes avant de repérer son nom, Amadeus Guth « Mort par pendaison – Crime de guerre et acte de tortures », mes yeux ruissellent, mes voisins me scrutent du regard, je sèche mes larmes du revers de la main.

La foule se tait subitement, un vacarme assourdissant se fait entendre au loin, un convoi d’une dizaine de camions s’avance dans les ruelles de la ville pour atteindre la place. Mon cœur recommence à battre, je m’avance vers l’échafaud, la foule se fait de plus en plus dense, une odeur que je ne connaissais pas, une odeur de haine se dégage de la populace, les visages sont méconnaissables, les traits tirés, les poings serrés. Je suis enfin en première ligne, mon corps est écrasé contre le gibet.

Le premier homme à descendre du camion est habillé de noir, en soutane, une croix à la main la bible dans l’autre. Je m’interroge sur sa présence. Que fait-il là ? Accorder l’absolution que les hommes n’auront pas su donner aux condamnés ou pardonner aux hommes présents le sang qu’ils allaient encore faire couler. Probablement les deux.

Le second est torse nu et porte encore les coups de ses geôliers, les poignets liés par une corde, il sourit et saute du camion, il a l’air paisible. Deux hommes en uniforme lui saisissent les bras et le pousse vers l’escalier. Il monte dignement, regarde droit devant lui, la corde est passée autour de son cou. Le prêtre fend l’air d’un signe de croix, la trappe s’ouvre brutalement. Tout son corps est ébranlé par de violentes secousses, la couleur de son pantalon fonce entre ses jambes, il se vide. Je n’avais jamais assisté à une exécution par pendaison. Il ne bouge plus. Les fossoyeurs s’emparent du corps et l’emmènent vers une charrette attelée par deux chevaux mâchonnant paisiblement leurs foins.

Le défilé continua pendant presque deux heures, certains pleurants ou hurlants. Même les réactions de la foule restait inchangée, applaudissements à chaque craquement de nuque, grondements, messes basses.

Enfin il apparut. Mon cœur tressauta. Il portait sa veste d’uniforme, c’était le seul jusqu’à présent. Le public ne dérogea pas à son rituel pour lui. Je me surpris à croiser mes mains sur ma poitrine. Je devrais le haïr pour ce qu’il avait fait de moi.

Le voilà montant l’échelle, il est à présent sur le plancher, il ne me voit pas. J’inspirai profondément et dans un cri de douleur hurlai Maître. Il abaissa les yeux, les plongea dans les miens, pour la première fois de notre vie je réussis à soutenir son regard. Ses yeux gris bleus me transperçaient à nouveau, je pouvais à nouveau respirer.

Il était attaché comme les autres, il s’aperçut à la seconde que je regardais ses liens. A la question une dernière volonté ? Il répondu oui. Le bourreau lui jeta un regard à la fois foudroyant et inquisiteur. Il me désigna du menton. On me tira vigoureusement par les avant-bras. Je suis maintenant à quelques centimètres de lui, je sens sa respiration et je sais que ce sera la dernière fois.
Je retiens mes larmes.

« Bonjour Monsieur »

— Bonjour ma Belle. Je veux que tu restes là, que ton visage soit ma dernière image de ce monde, un visage souriant. Tu ne dois pas être triste, j’ai poussé beaucoup d’hommes, de femmes et d’enfants dans le dernier voyage. Et ce n’est pas par manque de temps que je ne t’ai pas tué comme toutes les autres... simplement parce que toi je.... »

Il se tut et tourna la tête vers le bourreau pour lui signifier qu’il était prêt.

« Non attendez, je dois encore lui dire... »

J’eus l’impression qu’il s’effondrait mais c’était cette maudite trappe qui s’ouvrait.

« ...que je l’aime »

J’attendis la dissipation de la meute sur le coup de midi et me rendis à la fosse creusée en toute hâte pour enfuir les corps des fantômes que l’on ne voulait plus voir. Ses yeux étaient maintenant gorgés de sang, je posai mes lèvres sur sa bouche. La chaînette avec la clé qui ornait jadis son cou avait disparue, seule sa trace marquait encore sa chair sous la pression de la corde qui lui avait ôtée la vie.

Je suis restée allongée près de lui, blottie contre son torse.
Je me demandais comment je pourrais vivre sans lui ? Ma vie était entièrement rythmée par ses allées et venues.
Un homme me saisit par le bras me sortant ainsi de ma torpeur.

« Allons venez, il ne faut rester là, c’est dangereux, certains pourraient ne pas comprendre et avoir envie de vous faire la même chose »

Il me traîna hors de la fosse, je restai plantée là

— Allons partez maintenant

— Je n’ai aucun endroit ou aller. Je vivais avec lui

— Ben, lui, il ne vit plus, et vous, vous êtes vivante. Alors vous ne ferez plus bon ménage. Faut vous bougez mon petit.

— Je vais repartir dans les bois

— Vous voulez vraiment crever ou quoi...les bois...autant allez directement demander au gars à la cagoule de vous régler votre compte. Mais, au fait ce type dans la fosse il était officier chez l’ennemi et vous vous êtes bien de chez nous, vous n’avez aucun accent !? »

— Oui, j’habitais plus au nord, un village à quelques heures » « Qu’est ce qui vous a pris de vous amouracher de l’ennemi ?

— Je ne sais pas, c’est trop long à expliquer.

— Bon allez, venez chez moi. Vous m’expliquerez puis vous dormirez, demain vos idées seront plus claires »

J’accompagnai ce monsieur jusqu’à sa ferme située en dehors de la ville. Arrivée chez lui, il m’installa près du feu et me servit un bol de soupe. Il s’assit en face de moi :

« Bon j t’écoute

— Je ne peux pas vous raconter ce qui s’est passé, c’est tellement pervers »

Il se mit à rire d’une voie de baryton.

« Pervers... pervers...à mon âge... pervers, bon allez je t’écoute si ça devient trop « pervers » pour mes chastes oreilles je te le dirai »

Je commençai donc mon récit....

Chapitre II : La rencontre

Tout a commencé lors d’une rafle dans mon village. Ils ont abattu à bout portant tous les hommes et les enfants qui représentaient manifestement un fardeau. Ils ont réquisitionné toutes les femmes de plus de 12 ans. Je venais de fêter mes 17 ans, je faisais donc partie des survivantes. Je ne savais pas très bien si je devais être heureuse ou pas de mon sort. Nous avons été transportées pendant de longues heures, debout collées les unes aux autres comme du bétail que l’on mène à l’abattoir. Les discussions tournaient toutes autour du même sujet, la cruauté des soldats d’avoir tués les enfants et surtout « ou allions nous ? qu’allaient-ils faire de nous ? ». J’étais bien lointaine de toutes ces considérations, je ne pensais qu’a deux choses : l’immense plaisir que j’avais pris a voir mon père pisser dans son pantalon de peur quand l’officier avait pointé son 9mm sur sa tempe, j’aurais aimé entendre plus longtemps ses supplications. Ensuite je me suis demandée si les animaux ressentaient la même chose que nous quand ils étaient transportés de telle manière, s’ils savaient où ils allaient, je trouvais tous cela bien cruel, les hommes sont cruels, c’était la seule phrase qui résonnait encore dans ma tête jusqu’au moment où j’entendis un bruit métallique qui fit trembler toute la carlingue du vieux camion qui nous transbahutait depuis des heures.

On nous fit descendre sans le moindre ménagement. L’air empestait la fiente et la mort. Nous étions parqué dans une immense cour, des baraquements de fortunes se dressaient devant nous. Ils commencèrent le tri.

Les taudis qui nous serviraient désormais de toit étaient en fait des immenses dortoirs dénués de tout confort. Je passais ma première nuit dans ce que je croyais être l’enfer, le ventre vide. Le lendemain, on nous réveilla à l’aube. Une femme agonisait sur la paillasse contigüe à la mienne. Elle n’arrivait pas à se lever, l’officier ne trouva rien de mieux que de lui assener un violent coup de pied dans les cotes qui lui arracha une quinte de toux maculée de sang. Je ne pus m’empêcher de le frapper et de l’insulter. Il m’attrapa par les cheveux et me conduit sans aucun ménagement vers le quartier de haute sécurité. On m’enferma dans une cellule dite d’isolement dans le noir.

Je ne saurais vous dire quelle heure il était quand ils sont venus me chercher. Ils voulaient jouer.

A peine sortie de ma cellule, ils m’arrachèrent mon chemisier, me giflèrent les seins. Je me mis à courir, je n’avais qu’une idée en tête m’enfuir. Un homme m’attendait en riant à l’autre extrémité du corridor. Il me saisit par la taille, je me débattais pendant qu’il glissait sa main entre mes cuisses et qu’il me léchait la nuque de la manière la plus obscène qui soit. Les autres hommes qui m’avaient libéré de ma cage s’avançaient posément vers moi un sourire aux lèvres. L’un d’entre eux cria « Lâche la tigresse, j’aime la chasse ». L’homme me relâcha sur le champ. Je me mis à cavaler le plus rapidement possible, je perdis une chaussure sur le trajet, les couloirs étaient interminables. J’entendais leurs rires qui s’éloignaient de plus en plus mais à aucun moment ils ne cessèrent. Derrière un des méandres une porte verrouillée. Je tirai, poussai de toutes mes forces mais la porte résistait. D’un coup elle s’ouvrit, un homme se trouvait derrière, il était très grand avec une carrure impressionnante il portait l’uniforme des officiers, je n’hésitai pas une seconde à le bousculer afin de poursuivre mon chemin vers une chance de liberté, un seul but retarder le plus possible l’instant fatidique ou ils finiraient par me rattraper. LIRE LA SUITE

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Je n’ai jamais rédigé, si c’est trop nul pour être publié, dites le moi directement je ne continuerai pas à coucher mes divagations sur le papier. Si c’est pas trop ringard, il me plairait que vous vous donniez la peine d’émettre vos critiques, elles seront bien accueillies. Merci Abby-Gaëlle



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Commentaires

Logo de istallian
dimanche 8 septembre 2013 à 09h15 - par  istallian

bizarre, j’étais lieutenant dans l’armée Serbe et il me semble que votre récit relate, surtout le début, des événements de cette guerre fratricide. cependant c’est pas mal écrit et assez déconcertant.

Logo de kingliart
vendredi 2 novembre 2012 à 14h19 - par  kingliart

Ben oui, du coup reste des fautes d’accords et d’orthographe....
Mais c’est bien comme je disais dans le forum de pré-publication

Logo de Abby-Gaëlle
mardi 30 octobre 2012 à 11h05 - par  Abby-Gaëlle

Merci. C’est motivant.
Je suis très étonnée, je n’avais pas fini de le corriger et il a été publié !?!?
Je vais me pencher sur la suite.
Encore merci et à bientôt.

lundi 29 octobre 2012 à 19h22

Bravo ! Votre texte m’a tenu en halène.
Sans vulgarité ni niaiserie, j’ai vraiment beaucoup aimé. Je suis impatient de découvrir la suite. Vous avez du talent.

Logo de Felipe
lundi 29 octobre 2012 à 15h21 - par  Felipe

Entièrement d’accord avec les commentaires positifs et élogieux faits auparavant. J’attends la suite avec impatience.

Site web : L’évadée
lundi 29 octobre 2012 à 13h41

Surtout n’arreté pas ce serait trop cruel de nous laisser sur notre faim. Très beau texte et comme l’héroïne de votre récit je me pose beaucoup de question, vivement la suite.

Logo de epikuri1
dimanche 28 octobre 2012 à 21h45 - par  epikuri1

Stupéfiant... Étonnant, délicieux et douloureux.
j’ai d’abbord cru à une traduction d’un récit inconnu ici bas, surtout n’arrêtez pas, qui que vous soyez votre talent est certain.
votre « public » vous en remercie d’avance.

dimanche 28 octobre 2012 à 16h47

Superbe texte !!
surtout continuer

dimanche 28 octobre 2012 à 16h26

lumineux...
très agréable, très excitant...si c’est un coup d’essai, c’est un coup de Maître
A très bientôt, à vous lire, j’espère...

dimanche 28 octobre 2012 à 10h38

Non, n’arrêtez surtout pas d’écrire, votre texte est passionnant et remarquablement rédigé, d’un excellent niveau, sans emphase, loin de toute vulgarité et de toute complaisance, ce qui est assez rare. Si vous pouvez trouver quelqu’un susceptible de corriger les quelques fautes d’orthographe et de syntaxe (limitées, on a déjà vu bien pire !), ce sera parfait. Vraiment, bravo !

dimanche 28 octobre 2012 à 07h22

Et bien pour un coup d essai c est un coup de Maître.rien a redire sur l écriture, le style, le rythme, l intrigue, tout est parfait.....alors au travail....il nous faut la suite....