Lucile et ses bourreaux

Aliamet
vendredi 30 août 2019
par  Jeanne Franval
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1 - Une initiation manquée

Lucile pleurait à chaudes larmes. Ses épaules brunies par le soleil des Cévennes se secouaient à intervalles réguliers, elle avait entouré ses chevilles de ses mains, recroquevillée au bord de la rivière. Le soleil déclinait à l’horizon, il faisait une chaleur étouffante. Immobile, décidée à rester sur ce coin de terre jusqu’à la fin de ses jours, n’en plus bouger, devenir minérale, changée en arbre, en rocher, comme dans les livres de la mythologie qu’elles avait lus, avec son précepteur abbé, au château de Barjac... Quelle importance, un château, quand on a dix-sept ans, une tête blonde pleine de pensées folles, l’idée de parcourir le monde, l’idée de la liberté... Et puis cette nouvelle terrifiante ! Depuis cinq jours, Lucile n’en dormait plus, ne décolérait pas... Ses parents avaient décidé de la marier au seigneur Alexandre de Méjantel, un homme dont la noblesse n’était peut-être pas très lointaine ni très vérifiable, mais dont le capital et les revenus suffiraient pour « redorer le blason » des de Barjac. Elle ne l’avait vu que deux fois. Grand, sec, brun, cassant, il lui avait semblé l’absolu contraire du Prince Charmant dont elle rêvait. Se rebeller ? Fuir ? Elle serait vite retrouvée, mariée de force ou pire, mise dans un couvent jusqu’à la fin de ses jours. Une seule solution : la mort ! Avec la fougue de ses dix-sept ans, Lucile pensait avec une horreur trouble à ce moment où, comme Ophélie, elle flotterait sur les eaux de la rivière, à ce moment où un valet de ferme la trouverait, alerterait ses parents éplorés, à ce moment où les pelletées de terre s’écrouleraient avec un bruit sourd sur son cercueil virginal... Et elle se remit à pleurer de plus belle.
- Tu veux te baigner, Lucile ? Surprise, Lucile détourna son regard rougi, baigné de larmes, sur l’importun. Colas... Nicolas Préjean, son compagnon secret « insignifiant marmot, fils de valetaille », disait sa mère. mais Colas toujours prêt à se jeter aux pieds de son insaisissable et bien-aimée Lucile. Il avait eu l’insigne honneur de pousser son escarpolette lorsqu’elle avait dix ans, de l’accompagner à travers champs dans ses premières promenades de petite adolescente... Il en était, bien sûr, éperdument amoureux... Et l’impalpable Lucile, qui savait que ce jeune et beau garçon n’était pas de la même extrace, et qui savait aussi qu’il y avait de jeunes et beaux garçons, « dans son monde », avait fini par trouver en Colas un confident qu’elle pensait anodin, et avec qui , maintenant qu’ils étaient devenus tous les deux « grandets » comme disaient les adultes, elle testait sa jeune sensualité...
- Oh, mon Colas, oui je veux me baigner ! Mais au fond de l’eau, pour toujours... Je suis si malheureuse !
- Lucile, je ne suis qu’un pauvre fils de valet de ferme. Je rends grâce à tes parents de prendre soin de notre famille... Tu sais combien je te respecte et t’admire, tu sais combien je t’...
Lucile avait mis la main sur la bouche de son jeune compagnon, qui s’était assis près d’elle.
- Allons, tais-toi, Colas tu vas dire des bêtises. Et elle lui raconta le pourquoi de son immense chagrin, et son désir d’en finir avec ce monde dont la chape se faisait de minute en minute plus lourde, et qui l’entraînait dans une nuit sans fin qu’elle préférait, finalement, précipiter par sa propre volonté.
- Je te reconnais bien là, Lucile : fière, orgueilleuse, toujours prête aux pires extrémités. Tu laisserais ton Colas veuf de toi, passant sa vie à regretter ces instants paisibles où l’amitié vient au secours de tout ? La vie est longue, amie, et tu dois en savourer tous les instants, même s’ils te paraissent les plus douloureux du monde. Tu es irremplaçable, souviens t’en !
- Tu m’es très cher, Nicolas. Tu m’as appris depuis longtemps ce que c’est que la véritable amitié. Tu m’as redonné confiance en moi. Tu m’aideras ? Tu sais, ce mariage, cet homme, cette vie qui m’attendent, quelle horreur... quand même... Et elle se remit à sangloter Colas, comme pris d’une envie subite, se leva... Il se dépouilla de sa chemise grossière et de ses chausses, et se précipita, nu comme un ver, dans la rivière... Il s’ébroua, fit gicler l’eau par sa bouche et son nez, éparpilla des millions de gouttelettes dans le soleil...
- Viens mourir avec moi !
- Non, non, je suis trop malheureuse ! Lucile s’affala sur le ventre, battant l’herbe de ses poings. Nicolas sortit de l’eau, et osa ce qu’il n’avait jamais osé auparavant : il s’allongea près de la jeune fille, toujours nu, et enlaça ses épaules. Elle le laissa faire. La main de Colas était fraîche sur son dos soyeux,elle le laissa quelques instants tenter une très très lente progression, puis d’un coup lui donna une tape. Il lui dit qu’il serait dommage de partir pour l’autre monde sans avoir connu ce que tous les couples connaissent... Elle lui répondit que son mari la tuerait si elle n’était plus jeune fille au soir de son mariage. Il lui expliqua que le plaisir amoureux pouvait se trouver d’autres façons... Elle lui demanda ingénument comment, et c’est ainsi que la blanche main de la blonde Lucile se trouva en contact avec un cylindre chaud et palpitant qu’elle n’avait jamais imaginé... La main de Nicolas, en effet, avait saisi celle de son amie et l’avait plaquée sur son sexe. Comme piquée par une vipère, Lucile, effrayée, s’assit d’un bond, et poussa un hurlement en voyant la fierté bandée de son ami.
- Ah ! quelle horreur, qu’est-ce que c’est que cela ? Colas, tu es un monstre.
Et Lucile, ramassant ses atours se leva d’un coup et s’apprêtait à courir lorsque Colas, en riant donc en débandant, lui dit, un peu méchamment : « où cours-tu ? vers la noyade ? vers Papa-Maman ? Vers ton futur époux ? » La jeune fille s’arrêta net. « Monstre, tu es un monstre, doublement un monstre ! Tu n’as aucune pitié pour moi, je te hais ! Je ne veux plus te voir de ma vie... »
- Oh oui, je suis un ver, un immonde excrément, je suis incapable de me comporter correctement. Je vais te quitter.
Colas se lève, toujours nu. Lucile s’approche de lui, le force à se rallonger sur l’herbe.
- Mais non, gros bêta, reste. Tu as raison de me dire des horreurs, j’en suis rassérénée... Et, pour montrer sa bonne volonté, elle allonge sans regarder la main vers l’appendice qu’elle avait vu tout-à-l’heure avec tant de dégoût... mais ne trouve plus qu’un vermicelle alangui... Et pour la première fois, elle ose regarder le corps nu de son compagnon... Elle apprécie la musculature d’un torse d’éphèbe, harmonieux, les plages fines du ventre et les duretés des hanches et des cuisses, mais, ce... ce... comment avait dit l’abbé en commentant Horace... ah oui ! priape ! Au milieu de cette touffe brune... Si frêle maintenant, si triomphant il y a quelques instants !
- A quoi ça sert, Colas, pourquoi tu es fait comme ca ?
- Amie, nous sommes faits comme Dieu nous a faits... Je ne te saurais dire plus. Je sais que mes parents m’ont dit comme si c’était un secret que les enfants étaient faits grâce à ce truc qui contient des graines... mais je ne saurais te dire plus, répéta-t-il... sauf que c’est un outil de plaisir qui ne demande qu’à fonctionner dès qu’il est tout près d’une jolie fille ! Mais toi, dis-moi, Lucile, je sais que tu n’es pas faite comme moi. Des amis me l’ont dit... Ils m’ont traité de puceau... Et j’avoue mon ignorance.
- Ne compte pas sur moi pour te montrer comment Dieu m’a faite, Colas, tu ne me verras jamais toute nue... Jamais.. Mais, si tu fermes les yeux, je vais te permettre ce que je n’ai jamais permis à personne, je te jure...
Et elle prit la main de Nicolas, la passa sous son jupon, la plaqua sur son blond pubis... Colas explora doucement, ne trouva rien qu’une pente abrupte, qu’il osa aborder, puis de molles chairs moites, qu’un doigt plus audacieux fendit comme par magie alors que Lucile gémissait. Nicolas trouva, vraiment par instinct, les gestes éternels qui amenèrent sa compagne aux halètements saccadés, puis à l’extase. On était loin de la mort et des idées noires de Lucile. Dans sa tête, tout un monde apparaissait, fait de voluptés et de plaisirs inouïs. Elle se saisit cette fois, sans hésitation, que de chemin parcouru en quelques minutes ! du membre redevenu vigoureux de son ami, et, elle ne savait comment, le pressait, faisait monter et descendre son poing ferme comme pour en exprimer le jus, lorsqu’au bout du pré des appels retentirent...
- Lucile, Mademoiselle ! Ou êtes-vous ?
Colas se leva d’un bond, frustré, remit ses chausses et sa chemise, se cacha dans un bosquet ; Lucile remit de l’ordre dans ses vêtements quelque peu froissés, retomba dans sa mélancolie... Elle répondit qu’elle s’était endormie, qu’elle n’avait pas vu le temps passer. Colas la vit s’éloigner avec désespoir. Il pensait qu’elle était la belle demoiselle qu’il ne verrait plus jamais... La seule issue, dans sa vie, était de répondre favorablement à la proposition - insensée - qu’on lui avait faire, grâce à Monsieur le Comte de Barjac, qui avait ses entrées dans les hautes sphères du Comté de Mende : devenir le remplaçant, dans quelques mois, de Maître Simon, bourreau du Roy en ses terres des Cévennes. Un apprentissage, de l’argent ensuite assuré pour le restant de ses jours ou presque. Il n’y a pas de sot métier, se disait-il, quand même impressionné par le titre qu’on voulait lui conférer ! Lucile se retourna, fit un signe amical à son ami, lui enjoignant de ne pas se montrer... Puis elle disparut, sa longue silhouette blonde encadrée par deux valets qui lui disaient son inquiétude de l’avoir cherchée... Colas resta seul, bien seul. Il se rhabilla mélancoliquement, et s’en fut vers les communs du château... C’était la dernière fois qu’il devait voir ainsi sa jeune compagne encore libre et vierge, mais tellement, tellement malheureuse, qu’il en avait le cœur gros.

2 - Un mariage raté

Le mariage arrangé avait eu lieu malgré les pleurs et les gémissements de la jeune fille. Ce fut une cérémonie particulièrement réjouissante pour les parents de Lucile, qui redoraient à peu de frais leur blason, mais la mine de la jeune épousée était si fermée qu’on eût dit qu’on la menait à l’abattoir. Ce qui n’était peut-être pas une si mauvaise comparaison. Son époux ne fit jamais preuve d’aucune galanterie. C’était un être possessif, avare, et n’éprouvant pour sa jolie femme qu’un intérêt limité au sexe. La nuit de noces de Lucile avait été un calvaire : Alexandre de Méjantel l’avait dépucelée sans aucun ménagement, puis l’avait reprise par trois fois dans la nuit sans jamais s’intéresser qu’à son propre plaisir. Ah ! il était loin le joli mandrin rose de Colas ! Elle n’était plus une oie blanche, certes, mais le sexe long et dur de son époux qui la limait sans ménagement nuit après nuit lui donnait le dégoût des hommes et des désirs de vengeance qui montaient en elle peu à peu.
Elle n’avait pas le droit de sortir du château... Promenades sur les terres, à condition d’être accompagnée de deux gardiens vigilants qui se tenaient à quelques mètres. Elle ne revit plus jamais Colas, bien qu’elle le cherchât parfois, essayent de savoir s’il n’était pas tapi près de la rivière. Lectures, broderie, étaient ses seules distractions. Rarement, elle jouait de l’épinette tandis que Lise, la seule servante qu’elle ait pu arracher à ses parents pour la garder près d’elle, chantait des airs anciens.
Lise avait son âge, c’était sa confidente, elles souffraient toutes deux de ce confinement dans le château où la vie n’entrait que rarement. Et Lise, comme toutes les servantes, était soumise aux caprices cruels de monsieur le Comte. En pervers qu’il était, il avait fait aménager dans un patio, au centre du château, une sorte de portique qui devenait pour les pauvres filles qui avaient commis quelque bêtise, cassé quelque vaisselle, s’étaient laissé aller à quelque peccadille ou quelque paresse dans le travail, un instrument de supplice... Le plus courant était l’exposition, entièrement nue, pendant une heure ou pendant toute l’après-midi, les bras au-dessus de la tête, sous un écriteau indiquant la faute : a cassé un vase, a perdu un bijou... Les fautes plus lourdes étaient punies de coups de ceinturon, donnés par Alexandre de Méjantel lui-même. Cinq pour une rébellion, dix, parfois vingt, pour un larcin. Et Lucile devait assister elle-même, en maîtresse de maison, à ces châtiments, où le comte parfois se surprenait à sourire lorsqu’il entendait les cris d’une pauvre fille fouettée.
Elle lui disait sa réprobation. « Alexandre, comment peux-tu ? Cette pauvre fille a péché certes, mon ami, mais sa pudeur perdue, ces douleurs inutiles, je ne te comprends pas. Tu es un être méchant, méchant...! »
- Mais je suis le maître ici. C’est tout ce qui m’importe ! J’aime ces jeunes corps qui se galbent, se cambrent, sous les coups de fouet. Ce n’est pas comme toi qui restes passive, faisant l’amour comme un sac de châtaignes...
Un jour, il osa dire à sa femme qui refusait de se donner à lui : « ne refais plus jamais ça, car tu irais au patio et c’est moi qui te fouetterai... jusqu’au sang ! jusqu’au sang ! »
Lucile, terrorisée, ouvrit ses cuisses machinalement comme d’habitude et fit semblant d’éprouver du plaisir. LIRE LA SUITE



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