La présidente (1)

mardi 7 avril 2020
par  Jean Quin
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Chloé de Fonrsac était soucieuse. Le miroir lui renvoyait pourtant l’image d’une femme de 40 ans, distinguée et d’une séduction subtile. Ses cheveux auburn relevés en chignon, malgré une mèche rebelle au-dessus de son œil qui ajoutait une touche mutine, ses lunettes fines qui mettaient en valeur ses yeux verts, son nez fin et droit au-dessus de ses lèvres extrêmement bien dessinées et son cou fin révélaient ses origines aristocratiques. L’élégance dans la famille de Fonrsac était héréditaire. Son appartenance à la haute bourgeoisie était évidente.
Cet après-midi-là elle choisit dans son dressing un tailleur de coupe assez classique mais qui mettait en valeur sa silhouette de mannequin. Sa jupe par exemple arrivait à quelques centimètres au-dessus de ses genoux et mettaient en valeur le galbe de ses mollets et le début de ses cuisses fuselées admirablement mises en valeur par des dim-up très fins. Sa poitrine remplissait son corsage blanc, sans excès, mais fermement. Elle était fière de son corps qu’elle entretenait régulièrement avec un coach personnel, ce qui lui coûtait assez cher ! Une salle de son petit manoir était entièrement consacrée à l’activité physique. Ses moyens lui permettaient de telles folies.

PDG de la société AFNIL, une multinationale aux activités aussi diversifiées que la vente de produits phytosanitaires ou les pièces détachées pour automobiles, son salaire annuel était très confortable. Pourtant ce ne lui était plus suffisant. Le démon du jeu la tenaillait depuis son adolescence. Ses gains avaient été conséquents mais, ces derniers temps, la chance semblait avoir tourné. Ses pertes devenaient abyssales. Sa grande intelligence et sa connaissance précise des rouages de la société qu’elle dirigeait lui avaient permis d’effectuer quelques opérations financières discrètes qui lui avaient permis de sortir la tête de l’eau. Personne ne s’était aperçu de rien … Enfin, jusqu’à hier elle en était persuadée. Elle n’en était plus aussi sûre depuis qu’elle avait saisi quelques bribes de conversation entre Geoffroy, son vice-président et le commissaire aux comptes du groupe. Les regards obliques lancés dans sa direction par d’autres administrateurs avaient conforté son malaise. La réunion mensuelle du Conseil d’Administration qu’elle présidait avait lieu dans quelques minutes.
Jetant un dernier coup d’œil dans le miroir elle s’aperçut qu’un bouton défait laissait légèrement apercevoir le sillon qui séparait ses seins. Après réflexion elle décida de ne rien modifier. Les hommes sont si vite déstabilisés …Cela pourrait lui conférer un avantage dont elle aurait peut-être bien besoin.
Après avoir pris sa respiration Chloé de Fronsac poussa la porte du Conseil.

Dès le franchissement du seuil Mme de Fronsac s’aperçut que l’atmosphère était différente. Ils étaient tous là, tous les huit, le regard fixé sur elle : Geoffroy de la Boissière le vice-président, hautain et distingué, Pierre Chenal le commissaire aux comptes, au look de clergyman, Antoine Ribat, petit homme rond au visage épanoui, Guylaine Saad, la seule femme à part elle membre du bureau, une vieille fille aigrie, Jacques de Saint-Ange, dont la première qualité, et peut-être la seule était son immense fortune, Michel Pranin, un vieux Don Juan … un ex Don Juan qui passait son temps à lui faire des avances, Enguerrand d’Isigny, l’actionnaire le plus important du groupe, dernier avatar d’une lignée de nobliaux dégénérés et Almeric Riassin, industriel important mais que les scrupules n’étouffaient pas vraiment. Son regard dur et dominateur avaient toujours mis Chloé mal à l’aise.
Comme d’habitude ils se levèrent à son entrée mais quelque chose de subtil dans leur attitude semblait modifié. La crainte, le respect, quelle leur inspirait d’habitude semblait avoir disparu. Geoffroy de la Boissière la salua d’un : « Bonjour, madame la Présidente … Très heureux de vous voir. » qui lui parut soudain extrêmement inquiétant. Après avoir répondu d’une voix qu’elle espérait assurée, tout le monde s’assit.
Au moment où elle allait énoncer l’ordre du jour, Geoffroy toussa pour attirer son attention. Il tenait un dossier assez épais dans les mains.
« Madame la Présidente, si cela ne vous dérange pas, j’aimerais apporter un changement à l’ordre du jour. »
« C’est à dire Geoffroy ? »
« Madame la Présidente, il s’agit d’un problème crucial dont M. Dunois, notre Commissaire aux Comptes souhaiterait vivement vous entretenir. »
Chloé de Fronsac parvint à se contrôler et répondit sèchement :
« Ce point pourra attendre. Notre ordre du jour est assez chargé. »
« Désolé, Mme la Présidente, mais le sujet est d’importance et de plus il vous concerne directement. »
Elle blanchit de colère … puis d’inquiétude et tenta de garder une contenance.
« J’espère pour vous, Geoffroy, que le sujet est vraiment d’importance. Nous n’avons pas de temps à perdre ! De quoi s’agit-il ? »
« A vrai dire, Madame la Présidente », reprit-il lentement, « il s’agit de 2 points. Le premier est une information que nous désirons porter à votre connaissance et le second un contrat que, nous l’espérons fortement, vous accepterez de signer ... »
Chloé sentit une sueur glaciale lui couler le long de la colonne vertébrale.
Sans lui laisser le temps de répondre, Pierre Chenal, le commissaire aux comptes enchaîna :
« Voilà, Madame de Fronsac », articula-t-il avec soin. Depuis plusieurs exercices, nous étions étonnés par le faible montant des bénéfices réalisés par nos entreprises. Pourtant la conjoncture était extrêmement favorable. Nos concurrents, avec un chiffre d’affaires inférieur, versaient des dividendes trois fois supérieurs aux nôtres. Nous nous sommes donc penchés sur le problème et avons, après bien des recherches, découvert enfin la cause de cette hémorragie financière. « Tout en parlant Chenal ne quittait pas la présidente des yeux, comme tout le reste du Conseil d’ailleurs. Chloé sentait peu à peu le sol se dérober sous ses pieds et tenta de reprendre le contrôle avec arrogance : » Monsieur Chenal, espérez-vous me faire croire que, grâce à vos compétences, notre société va miraculeusement réaliser de nouveau des bénéfices faramineux ! «  » Certes non, Madame la Présidente, mais sans aucun doute ils vont retrouver un niveau normal … si vous le voulez bien ! «  » Que voulez-vous dire ? «  » J’ai ici, Madame la Présidente, les preuves – et elles ont été difficiles à trouver ! Vous êtes d’une habileté diabolique ! - j’ai ici, disais-je les preuves que vous avez détourné à votre profit des sommes d’un montant approximatif de 12 millions d’euros. 12 millions d’euros Madame la Présidente. « Il lui tendit le dossier. Chloé, abasourdie, ne réagit pas. Il continua, imperturbable : » Vous trouverez les numéros des comptes offshore sur lesquels vous avez fait transiter les sommes détournées, les dates des opérations et … également le montant des sommes que vous avez dépensées dans les casinos ! « Ils connaissaient même son penchant pour le jeu ! Elle croyait pourtant s’être si bien dissimulée, ses différentes identités lui avaient coûté pourtant assez cher ! Tout s’effondrait. Elle tenta de se redonner une contenance. » Je vois « , dit-elle d’une voix blanche. Je pense qu’il ne servirait à rien que je tente une explication … Je suppose que la police m’attend derrière la porte. » Et, se redressant d’un air provoquant : « Et bien Messieurs je suis à vous. »
En disant ces mots Chloé de Fronsac s’aperçut avec stupéfaction que les 8 membres du Conseil arboraient le même sourire ironique.
« Vous ne croyez pas si bien dire, Mme de Fronsac, intervint M. de la Boissière avec un grand sourire. Chenal vient de vous présenter le 1er point. Je vous avais parlé d’un 2ème point, un contrat. »
Chloé fut parcourue par un frisson d’angoisse. Que voulaient-ils ?
« Voilà : Nous vous promettons de n’engager aucune poursuite à votre égard … et même, vous pourrez poursuivre votre mandat de présidente - avec quelques précautions de notre part bien sûr – si nous tombons d’accord. Ce que je vous engage vivement à faire. Comme vous l’avez parfaitement compris, dans l’autre cas la prison vous attend bien entendu. Plus le remboursement de toutes vos dettes qu’une vie entière ne saurait combler. D’autant que vous ne pourrez plus jamais travailler dans une entreprise française ou étrangère après la publicité que nous ne manquerons pas de donner à l’affaire … Je vous laisse imaginer quelle sera alors votre existence … Madame la Présidente ... »
Sans un mot Chloé se mit à éplucher le contrat qui consistait en une simple feuille recto-verso et, au fur et à mesure de la lecture, commença à étouffer. Elle devint livide.
« Vous ne voulez quand-même pas que je signe ça ! C’est ignoble, répugnant ! … Vous êtes des malades ! »
« Comme vous voudrez, Mme de Fronsac, comme vous voudrez », répondit tranquillement Geoffroy. « Antoine, » dit-il à l’administrateur le plus proche de lui, un petit homme grassouillet avec des lunettes rondes, « voulez-vous bien prévenir Annick au secrétariat qu’elle appelle le commissariat de police. »
« Très bien Geoffroy, j’y vais. »
Le gros homme commença à déplacer sa chaise et à se lever.
« STOP ! » lança Chloé de Fronsac. « Je vais signer, je vais signer … » termina-t-elle d’une voix étranglée.
« Bravo, madame la Présidente, c’est une sage décision. Afin que les choses soient bien claires je synthétise les termes du contrat. Et puis non c’est vous qui allez le faire. Cela vous concerne au premier chef, n’est-ce-pas ? », dit-il d’un air amusé.
« Vous ne m’épargnerez rien », murmura Chloé.
« Allons, allons. Et d’une voix claire s’il vous plaît. »
Chloé déglutit difficilement et commença à débiter d’une voix monocorde :
« Moi, Chloé de Fronsac, PDG de la société AFNIL, propriétaire de 52 % des parts de la so… » Laissez tout cela ! Passez directement aux conditions ", coupa Pierre Chenal d’une voix cassante.
Chloé enchaîna : « … m’engage à me mettre entièrement à la disposition de tous les membres de mon conseil d’administration, de les laisser disposer librement de mon corps et d’obéir totalement, sans réserve aucune, à toutes leurs exigences, quelles qu’elles soient et ce, chaque jeudi après-midi de 13h à 19h pendant 10 ans. Je pourrai, le reste du temps, continuer à disposer de ma vie librement et même rester Présidente du Groupe sous la réserve expresse de respecter la condition sus citée. A la fin de ces 10 années je retrouverai ma liberté pleine et entière. Fait à Paris, le ... »
« Très bien Madame de Fronsac. Je vous précise que tous les membres du Conseil sont entièrement au courant et s’engagent bien évidemment à respecter les clauses de ce contrat … sous réserve que vous respectiez les vôtres bien évidemment. »
« Bon, assez traîné. Nous allons dater d’aujourd’hui et de ce moment présent. Ça tombe bien nous sommes jeudi, » intervint Guylaine Saad, la secrétaire du Conseil qui, jusque-là, était restée très discrète.
Chloé foudroya du regard cette grosse femme au physique assez disgracieux qui la jalousait depuis des années.
« Guylaine a raison, » dit Geoffroy. « Nous allons acter immédiatement. Allez Madame la Présidente. »
« Tenez, un Mont-Blanc, il faut bien ça à cette occasion ! » intervint Michel Prenin, d’un air égrillard en lui tendant le stylo.
Chloé prit le stylo et regarda les membres du conseil. Elle lut dans leurs yeux une joie et une impatience qui la firent frémir. Même Jacques de Saint-Ange, le doyen, 72 ans, frétillait de plaisir anticipé. Il lui avait pourtant paru si débonnaire et avait même envisagé de s’en faire un allié … Elle se rendit compte qu’elle n’avait aucune échappatoire. Comme une somnambule elle prit les feuillets et après de longues minutes, les parapha et signa les documents.
Geoffroy prit le stylo et brandit les feuilles. « Pierre je vous confie les documents. » annonça-t-il.
« Madame et messieurs, Voici une affaire rondement menée. »
Il se tourna vers la présidente effondrée.
" Madame la présidente, comme l’a fait remarquer Guylaine, nous sommes jeudi après-midi … si vous voyez ce que je veux dire. LIRE LA SUITE


Commentaires

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mercredi 15 juin 2022 à 14h37 - par  de Perry

Cette suite attendue depuis 24 mois et 8 jours n’est malheureusement toujours pas parue. Peut-on au moins en espérer une ? Pas sûr du tout. Quel dommage ! Sylvain.

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mardi 13 juillet 2021 à 10h20 - par  Sylvain de Perry

Petit à petit la gestation de Monsieur Quin pour la rédaction de la suite va se rapprocher de celle d’une éléphante (20 à 22 mois) : pour l’instant l’auteur vient de dépasser les 16 mois. Je pense que le lecteur lui aussi va se lasser. Regrettable car l’idée était excellente. Dommage ! Sylvain.

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mercredi 16 septembre 2020 à 22h12 - par  Henic

A l’époque de la parution de ce texte, je n’ai pas pu en prendre connaissance et je ne le découvre que maintenant.
C’est une mise en bouche tout à fait remarquable, très bien mise en scène, avec une montée régulière de la tension. Mais où est donc la suite ? Quand paraîtra-t-elle ? Il n’est pas courtois de laisser ainsi le pauvre lecteur-spectateur sur sa faim ! « Pôvre ! », comme on dit dans le sud : il pourrait en rester durablement frustré...

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lundi 14 septembre 2020 à 11h29 - par  Sylvain

Cinq mois et 7 jours que les affidés de ce site attendent une suite laquelle, apparemment, ne vient pas. Dommage ! Espérons que l’auteur n’ait pas eu un souci de covie 19 ou une rupture des membres supérieurs. Sylvain.

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samedi 11 avril 2020 à 15h27 - par  masterfreeze

très bon texte, on attend la suite avec impatience ! Mais si je peux me permettre une remarque 10 ans c’est trop long... et 1 demie journée par semaine, trop court !!!

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mercredi 8 avril 2020 à 23h58 - par  Sylvain

Le texte délivré par M. Jean Quin est parfait pour attirer le lecteur. Un postulat moderne. Dès la dernière ligne achevée, on n’a qu’une envie : lire la suite. Le style est parfait. BRAVO à ce nouvel auteur. Sylvain de Perry.
Nota : le confinement a du bon puisqu’il incite les visiteurs à écrire. Je n’irai pas jusqu’à dire : « pourrrrvou qué ça dourrrré ! » comme était censée le dire Madame Laetitia, la maman de Napoléon.

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