Hélène
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Chapitre I
Mesdames, Messieurs,
Merci d’être venu si nombreux à ce grand événement pour nous.
C’est aujourd’hui en effet un grand jour puisque nous fêtons la fusion des sociétés « Gestarts » et « Arts Réunis » dans une même société « Gestarts Réunis » ! C’est l’aboutissement d’un long chemin semé de nombreuses difficultés administratives, politiques et économiques, de tractations longues et ardues et qui ont pu être surmontées grâce à la direction des deux entreprises et au travail inlassable de deux de nos collaborateurs, Hélène Biéler et Arturo Hall que je tiens tout particulièrement à remercier. Chacun de son côté a mis sur pied l’ensemble des dossiers qui ont permis d’aboutir à cette décision importante pour le monde de l’art. L’avenir dira sans aucun doute combien nous avons eu raison de réunir au sein d’une seule institution les compétences nécessaires à maintenir dans le milieu du commerce des arts un phare d’excellence et en même temps fixer ici le centre d’un rayonnement européen et mondial. Je souhaite au nom du conseil de direction pleine réussite aux entreprises qui naîtront de cette fusion.
Enfin, en guise de conclusion et pour abréger les discours, passons aux réjouissances ! Je vous donne rendez-vous au buffet dans le hall d’entrée de « Gestart Réunis » dans lequel vous ne manquerez pas d’admirer l’installation de Guy Dessources. Il s’agit d’un jeune artiste que nous parrainons et qui s’inscrit dans le néoréalisme actuel. Merci.
— Dites-moi Arturo, c’est qui cette Hélène Bieler ?
— Aucune idée, je ne l’ai jamais vue, je n’ai eu d’échanges avec elle que par e-mail !
— Et vous ? Vous avez déjà entendu parler d’elle ?
— Oui, en effet je l’ai rencontrée une ou deux fois. C’est une fort belle femme, fraîchement divorcée ! Elle a la réputation de mener les affaires tambour battant. On ne lui connaît pas d’amant, en tout cas pas ces derniers temps. Très curieux pour une belle femme comme elle !
— Nous la rencontrerons sans doute dans le prochain conseil d’administration de la fondation.
— Oui, sans doute !
— Bon, allons fêter maintenant !
— Et vous Arturo, toujours célibataire ?
— Toujours, mais que voulez-vous, avec la vie que je mène, il vaut mieux le rester…
— Et avoir des relations occasionnelles, farceur ! Ah ! Ah !
— Cela se passe de commentaires !
— Toujours est-il que vous ne resterez pas insensible au charme d’Hélène Biéler, je vous parie !
— Bon, on le boit ce verre, oui ou non !
— Et qu’est devenue votre dernière conquête, la petite japonaise ? Elle avait l’air vraiment d’en pincer pour vous ?
— Elle a dû retourner au Japon pour des raisons familiales.
— Regrettable !
— En effet, mais c’est la vie !
— Quel philosophe !
— Ce n’est pas de la philosophie, mais on se rend bien compte quand les choses vont se poursuivre ou s’arrêter ou encore quand on veut s’accrocher. J’aimais sa compagnie, mais pouvais très bien ne pas faire ma vie avec, si vous voyez ce que je veux dire.
— Bref, au lit ce n’était pas terrible !
— Pas mal, mais sans plus !
— Je vois, je vois. Vous, il vous faut grimper au rideau et plus si possible !
— Pour faire court, en effet. Ce n’est pas votre cas ?
— Plus maintenant. Je me suis aperçu que c’est trop difficile à trouver. J’essaie d’être le mieux possible avec ma femme sur ce plan-là, parce que je sais que par ailleurs, il y a de nombreuses choses que je partage intensément avec elle.
— Je sens comme un soupçon de résignation dans vos propos !
— Si vous voulez. Un tien vaut mieux que deux tu l’auras !
— Moi, je crois que j’ai besoin de vibrer tant dans mon corps qu’ailleurs. J’ai besoin des deux ! Avec Kasuko, certains éléments me manquaient ou en tout cas n’ont pas été suffisants pour que je la retienne.
— En tout cas, elle était sexy !
— Certes, mais ce n’est pas l’apparence aux yeux du public qui m’importe, mais ce qui se joue entre nous.
— Elle avait l’air de tellement vous admirer ! Elle n’arrêtait pas de vanter vos mérites, de la façon tellement… empressée que vous lui témoigniez vos sentiments !
— C’est vrai, mais certaines choses ne collaient pas bien !
— Et pour elle ?
— Pour elle non plus sans doute, puisque nous nous sommes quittés.
— Quand je l’ai vue à son départ, elle avait l’air très chagrinée et elle avait perdu cet air démonstratif.
— Nous l’étions tous les deux…
— Messieurs, si vous me permettez de vous déranger dans votre conversation, j’aimerais vous présenter madame Hélène Bieler, notre directrice de la communication !
— Madame, permettez-moi de vous présenter Charles Sonntag directeur général, Pierre Tauxe, chef administratif.
— Messieurs, enchantée, fit-elle d’une voix chaude et veloutée.
— Madame, enchantés firent-ils de concert
— Et Arturo Hall responsable des ressources humaines de Arts Réunis et que vous connaissez, bien qu’impersonnellement !
— Monsieur !
— Madame, c’est un vrai plaisir de vous rencontrer, enfin, si je puis dire !
Arturo prit la main qu’elle lui tendait. Il remarqua tout de suite les ongles carmin longs et bien soignés et la serra fermement. La poignée de main, c’est une façon pour Arturo de comprendre tout de suite avec qui il a affaire. Cette qualité, il l’a apprise au début de son métier et elle lui est une ressource inestimable dans ses premiers contacts, et surtout avec les femmes. Dès le premier abord, il est en mesure de sentir ses propres dispositions vis-à-vis de son interlocutrice. Une fois encore, il le vérifia. Immédiatement un lien étrange s’établit. La main était présente, simplement présente, mais simultanément fermement enlacée à la sienne. Habitué à des échanges impersonnels la plupart du temps, il fut interloqué en son for intérieur. Il ressentit le besoin d’aller au-delà. Il la regarda droit dans les yeux, de manière soutenue, autant pour lui signifier ce qu’il ressentait que pour aller plus loin dans l’échange. Elle soutint ce regard avec profondeur. Ces quelques secondes furent une éternité… Aucun des deux ne voulait lâcher le regard de l’autre. Hélène fut la première à baisser les yeux, sans pour autant enlever sa main. Ils avaient totalement oublié leur entourage !
— Madame, je suis enchanté de vous connaître, autrement que par e-mail !
— Moi de même, Monsieur !
La banalité de l’échange fut la seule issue de retour à la réalité. Aucun des deux n’avait la volonté d’interrompre ce début de relation, car de ces instants se jouent des destins. Et justement, il se nouait ici même, à cet instant.
— Venez prendre quelque chose, nous ferons plus ample connaissance !
— Bien volontiers, je vous rejoins immédiatement au buffet, je dois voir encore une personne. Si vous le voulez bien ?
— Je vous en prie !
— Hélène s’en fut à travers la foule en discussion le verre à la main, happée par toutes sortes de personnes inconnues. Arturo ne put s’empêcher de la détailler. Celle-ci ayant sans doute ressenti la caresse des yeux sur elle avait l’air d’accentuer l’ondulation naturelle de ses hanches, si bien qu’Arturo ne pouvait plus lever le regard des courbes parfaites de son corps.
— Une femme est décidément tellement plus érotique habillée. Il y a tellement de mystères à découvrir. J’aime son parfum assez capiteux. Et quelle nuque ! se murmura Arturo.
— On ne reste pas insensible bien longtemps à un tel charme, interrompit Françoise, sa secrétaire !
— Vous la connaissez ?
— Un peu, je la rencontre parfois au fitness ! C’est une grande sportive pleine de charme et d’un galbe… à vous laisser pantois à ce que je vois !
— …
— Oh, mon cher collègue, on répond par un silence ! C’est à marquer d’une pierre blanche de votre part !
— Suffit, Françoise ! C’est vrai, elle est admirable ! Mais vous savez aussi ce que je pense des relations amoureuses professionnelles !
— Et comment ! J’en fais la douloureuse expérience ! Impossible d’aller plus loin que l’amitié avec vous !
— Laissons cela de côté si vous le voulez bien !
— Ah, les voilà, les hommes ! Toujours à éviter d’avoir à s’engager !
— Qu’en savez-vous Françoise ; pour ce que vous me connaissez !
— Je n’ai pas eu besoin de longtemps vous fréquenter pour le savoir ! Vous m’avez draguée jusqu’à ce que vous sachiez qu’il y avait un homme dans ma vie !
— C’est comme ça, que voulez-vous ?
— Même si je vous avais dit que cela ne comptait pas ! Mon mari n’a qu’une envie, celle de me voir faire l’amour devant lui avec un autre homme ou femme ! On dirait que tous les hommes ont ce fantasme !
— Et bien, je n’ai pas cette envie ! Je suis sûr que vous non plus du reste, je commence à vous connaître !
— Bravo, quel fin psychologue ! Mais vous ne savez rien de ma relation à mon mari !
— Non, cela vous appartient et j’aurais garde de m’y introduire !
— Peut-être que vous y découvririez quelque inattendu !
— Et bien, nous n’en sommes pas encore là, dit-il sur le ton de la plaisanterie
— Je sais… Que vouliez-vous savoir à propos de la belle Hélène ?
— Je vous ai demandé quelque chose à son sujet ?
— Bien sûr que non, idiot, c’était juste pour vous sonder ! En tout cas, elle vous irait très bien ou plutôt vous feriez un beau couple !
— Merci, mais pour l’instant je n’ai nulle envie de me caser !
— Magnifique comme réponse ! Allez, je sais que vous sortez d’une japonaiserie qui vous a mis KO debout !
— Merci de votre compréhension !
— Mais j’en suis ravie, patron !
— Faites mes amitiés à votre mari et restons-en là pour aujourd’hui, voulez-vous Françoise ?
— Oh, ce que vous êtes rabat-joie en ce jour de fête !
— Je n’ai guère le goût à la festivité !
— Cela va la faire fondre ! Méfiez-vous, elle sera placée juste au-dessus de vous dans l’organigramme !
— Merci de l’avertissement ! Je saurai me conduire et vous m’aiderez au cas où !
— Comptez sur moi, patron !
— Merci !
— Excusez-moi, puis-je vous soustraire à votre conversation, j’ai quelque chose à demander à Arturo ?
— Comment donc, Monsieur le Directeur !
— Alors Arturo, comment vous sentez-vous maintenant que les choses sont accomplies ?
— Soulagé, Monsieur le Directeur, les dernières semaines jusqu’à la fusion ont été difficiles.
— Surtout du côté du cœur à ce que je sais !
— Aussi de ce côté-là !
— Ne vous en faites pas, l’eau coule sous les ponts ! À ce propos, j’aimerais que vous fassiez plus ample connaissance avec Hélène, ma collaboratrice qui deviendra la vôtre dans quelques jours. Il me semble important que vous vous rencontriez vraiment et surtout hors de l’atmosphère du bureau. Vous verrez, c’est une personne attachante !
— J’ai justement rendez-vous au buffet avec elle, si une fois j’y parviens !
— Parfait, parfait, vous verrez c’est une personne délicieuse, à tout point de vue et ceci dit entre nous, bien sûr ! Et j’aimerais bien que vous fassiez le maximum pour que vos rapports professionnels soient empreints de franche collaboration. Il en va de l’avenir de l’entreprise.
— Mais bien évidemment, Monsieur le Directeur !
— Vous comprenez, nous avons de grandes ambitions avec elle pour directrice et votre appui ne sera pas de trop pour que la société parvienne à concurrencer le Japon, mais nous en reparlerons.
— J’en serai ravi, Monsieur le Directeur !
— Soyez moins obséquieux avec moi, je sais que vous détestez certaines convenances tout comme moi !
— Bien Monsieur !
— Je vous laisse avec Hélène, profitez de ce moment pour mieux situer comment vous collaborerez dans l’affaire des Japonais !
— Entendu, Monsieur…
— Ainsi, c’est vous le destinataire des mails en vue de la fusion !
— On ne peut rien vous cacher ! C’est un grand plaisir pour moi d’avoir l’occasion de vous voir réellement plutôt que de vous imaginer à partir de votre grammaire !
— J’espère que la réalité est meilleure que ma prose informatique !
— Si j’osais, je dirais qu’il n’y a pas photo ! Je ne vous avais pas imaginée ainsi !
— C’est-à-dire ? Vous vous attendiez à une blonde aux yeux bleus ?
— Pas du tout ! J’essayais d’imaginer vos mains sur le clavier. Là, je ne suis pas déçu !
— Pourquoi, vous l’êtes pour le reste ?
— Pas du tout, au contraire ! Mais vous savez, je n’ai pas beaucoup le goût pour les conjectures et les hypothèses hasardeuses. Je préfère me faire une image à partir d’une vision. Et là, je ne suis pas déçu ! Vous êtes charmante et je pense qu’il ne sera pas difficile de collaborer !
— Merci du compliment ! Mais n’oubliez pas trop vite que je serai votre supérieure directe et que vous aurez à me rendre des comptes !
— Vous savez le maître n’est jamais un maître s’il n’y pas un esclave pour lui obéir !
— Curieuse métaphore pour des relations de travail !
— Je sais, mais je me comprends
— Tant mieux ! Vous buvez quelque chose ?
— Un jus d’orange, volontiers !
— Deux jus d’orange, s’il vous plaît !... Merci ! À votre santé Arturo !
— À votre santé, madame ma Supérieure !
— Bon, cessez ce jeu enfantin et appelez-moi Hélène !
— Bien volontiers ! Il y a longtemps que vous travaillez dans la branche ?
— Cela fait quelque six ans, auparavant, j’étais dans l’enseignement !
— Comment passe-t-on de l’enseignement à la gestion artistique ?
— Par des circonstances hasardeuses qui m’ont fait passer de l’enseignement de l’histoire de l’art, à la direction d’un musée d’art contemporain pour arriver où vous me trouvez. Et vous Arturo ?
— D’abord artiste à la petite semaine et sportif engagé, je suis devenu artiste engagé et sportif à la petite semaine !
— Cela ne me dit pas par quel processus vous avez transmuté !
— Un peu comme le darwinisme ! Fâché de ne pouvoir vivre de mon art, j’en suis venu à produire des artistes et progressivement, c’est cela qui s’est imposé. De fil en aiguille, j’ai rejoint Gestarts et nous voici ! Écoutez Hélène, cela m’a fait un immense plaisir de passer ce moment avec vous, mais d’autres obligations m’attendent et je vais devoir vous quitter !
— Dommage, mais à bientôt tout de même !
— À bientôt !
— Arturo, vous partez déjà ? Oui, Monsieur le Directeur, je suis attendu ! Au revoir !
— À bientôt ! LIRE LA SUITE
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