Les amants du cercle magique

dimanche 10 juin 2007
par  Christine Arven
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— Tu voudrais qu’on essaye à trois.... une autre femme ou un autre homme, comme tu veux…

Jeanne ressentit comme un coup de poing dans l’estomac qui la tira brutalement de la douce torpeur dans laquelle, tendrement blottie contre Michel, elle avait glissé le corps et les sens comblés. Michel avait pourtant formulé sa proposition avec d’infinies précautions, comme s’il se méfiait, à juste titre songea-t-elle malgré tout amusée, de sa réaction,

— On en a si souvent parlé, continua-t-il en caressant d’un doigt nonchalant la courbe de ses seins, et il me semble qu’il est temps qu’on franchisse le pas, tu ne penses pas ?

Ils étaient allongés côte à côte, le corps alangui, unis par une douce et amoureuse complicité comme c’était chaque fois le cas quand ils venaient de s’aimer. Un plaisir toujours aussi vif que les années passées ensemble, loin d’avoir émoussé, avait, au contraire, rendu plus vif, plus profond. Jeanne resta un moment figée, le souffle en suspens et les yeux fixés sur le plafond, se demandant pourquoi diantre il avait choisi ce moment où il la savait le plus vulnérable pour aborder ce sujet qui, sans véritablement la surprendre, la troublait malgré tout au plus profond d’elle-même. Comme un grand coup de vent qui coupe brutalement le souffle et vous fait vaciller.

Le temps de reprendre un semblant de contenance, elle se retourna lentement vers lui et, prenant appui sur son coude, elle le regarda un moment laissant les mots faire lentement leur chemin en elle. « Restons calme, songea-t-elle, fais attention à ce que tu vas répondre que tu ne le regrettes pas ensuite ! » Au fond d’elle, elle savait que, bien sûr, Michel avait raison. Combien de fois avaient-ils évoqué cette idée de sortir du duo exclusif qu’ils formaient depuis maintenant près de… 30 ans « Mon Dieu ! Tant de temps... déjà... » et l’élargir sur d’autres horizons. Mais jusqu’à présent cela était resté au niveau du pur fantasme. Une idée qui les excitait aussi bien l’un que l’autre, mais une simple idée dont ils aimaient jouer. Un projet sans cesse repoussé.... Et là soudain, cette idée prenait corps, devenait réalité. Il suffisait d’un simple oui pour que.... Mais seigneur que ce « oui » était difficile à franchir la barrière de ses lèvres. Jeanne sentit soudain une angoisse diffuse la submerger telle celle qu’on ressent quand soudain on perd de vue les repères habituels qui balisent si bien le cours de la vie et qu’il faut se lancer dans l’inconnu et avancer au jugé. Quand les désirs deviennent plus forts que la raison et vous entraînent vers des rivages inexplorés mais ô ! combien fascinants et attirants. Puis amusée, elle songea que si Michel avait osé lui faire sérieusement cette proposition il y a de cela... quoi ?... à peine six mois auparavant disons, elle lui aurait sauté dessus toutes griffes dehors et lui aurait assené une fin de non recevoir qui aurait certainement pris la forme d’un abrupt « Il-n-en-est-pas-question ! » qui aurait coupé court immédiatement à toute discussion possible. Jeanne alors était beaucoup trop attachée à l’image du couple qu’elle formait avec Michel qui, à ses yeux, constituait un tout se suffisant à lui-même, pour seulement envisager sérieusement qu’un tiers puisse s’immiscer, ne serait-ce que quelques heures, entre eux. Mais voilà, depuis, pas mal de choses s’étaient passées et ce qui lui aurait semblé inimaginable alors était aujourd’hui parfaitement envisageable et finalement, elle devait bien se l’avouer, très tentant. Mais de là à le confesser sans plus de manière à Michel…

Si, avec Michel, grâce à la complicité amoureuse qui les unissait, ils avaient franchi ensemble plusieurs étapes dans leur sexualité s’affranchissant au fil des années des tabous et interdits qui mettent trop souvent un frein aux élans de beaucoup de couples et prenant plaisir à des jeux que certains qualifieraient de hors norme, il n’en demeurait pas moins que Jeanne n’avait eu depuis son mariage avec Michel pas d’autre amant que lui. Non pas qu’elle n’ait été capable de séduire d’autres hommes, son charme était, aujourd’hui encore d’ailleurs en dépit des années qui s’était accumulées, indéniable, ni à cause d’un quelconque joug moral, son intelligence et sa vivacité d’esprit l’avait depuis bien longtemps libérée de ces contraintes extérieures, mais simplement, elle n’en avait jamais éprouvé la moindre véritable envie, et encore moins le moindre besoin. Certains hommes, inutile de le nier, avaient, bien sûr, su capter son attention et son intérêt et l’avait troublée, mais jamais elle ne s’était résolue à aller au-delà de ce simple jeu réciproque qui avait finalement pour seule raison d’être de la rassurer sur son pouvoir de séduction, tant il lui semblait, parfois, que Michel perdait vis-à-vis d’elle toute objectivité. Ceci étant, et c’était sans doute le plus important, il y avait entre eux une telle entente, que Michel, comme doué d’un sixième sens, savait anticiper et combler ses désirs les plus secrets tout en sachant faire preuve, lui par ailleurs d’un tempérament impulsif, d’une patience infinie la connaissant trop bien pour la brusquer au risque de la voir se refermer comme une huître. Jeanne était ainsi faite, elle pouvait beaucoup mais il lui fallait le temps d’assimiler les choses et de les digérer avant de pleinement se laisser aller et les savourer. Que lui aurait-il servi d’aller chercher ailleurs alors qu’elle avait à portée de corps et de cœur l’homme qui savait si bien la contenter ? De son côté, elle était certaine, sans même avoir besoin de lui en demander la confirmation, que Michel lui avait été pareillement, et pour les mêmes raisons, fidèle.

Pourtant, en dépit de cette certitude sans faille, peut-être pour gagner un peu de temps, elle s’entendit lui demander d’une voix dont elle s’efforça à grand peine de retenir le tremblement :

— Dis-moi, tu as déjà essayé toi ?

— Non, jamais sans toi, lui répondit-il sans la moindre hésitation en plongeant ses yeux dans ceux de Jeanne. Bien sûr que non, mon amour. Comment pourrait-il en être autrement ?

— Je ne sais pas...

— Si tu sais !

Il avait raison bien sûr. Elle savait ! Mais c’était si bon de le lui entendre dire ! Un frémissement de joie pure la parcourut et tendrement elle posa ses doigts sur la joue rugueuse de son époux qu’elle caressa doucement.
- Alors qu’en penses-tu ? reprit Michel d’une voix que la tension qui l’habitait rendait un peu plus rauque que d’habitude. Je comprendrais que tu dises non et ce ne serait pas grave, tu sais.... C’est toi qui décides.
Mon dieu que c’était tentant... mais de là à capituler tout de suite. Non, elle ne pouvait pas. Une pudeur indéfinissable mâtinée d’un zeste de fierté la retenait… Ne pas céder trop vite devant lui et lui démontrer ainsi, comme si besoin était, qu’elle aurait toujours son mot à dire même s’il n’était pas le dernier. Puéril mais c’était pour elle comme une bouée de secours à laquelle elle se retenait. Alors, elle se contenta d’un vague « On verra » qui clôtura le sujet. Dans l’immédiat du moins…

Parce que bien évidemment, elle avait fini, quelques jours seulement après, par dire « oui ». Comment aurait-il pu d’ailleurs en être autrement ? Comment ne pas céder à cette tentation à la fois angoissante et excitante ? Excitante car angoissante ou angoissante car excitante, ça elle n’aurait su le déterminer précisément….LIRE LA SUITE

Retrouver ce titre dans le livre : Femmes, je nous aime


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Commentaires

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vendredi 19 août 2022 à 08h03 - par  Henic

Que voilà une découverte délicatement menée, et contée !
Comment franchir un rempart élevé, solide, résistant, en étant persuadé que c’est extrêmement risqué pour la suite ? Suivez le guide : Christine introduit avec brio ses lecteurs dans un monde voluptueux...