Apprentissage

samedi 9 juillet 2005
par  Christine Arven
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L’esprit embrumé, Delphine ouvrit lentement les yeux.

Surprise, elle regarda autour d’elle. Où donc était-elle ? Elle ne reconnaissait pas cette pièce luxueusement meublée à demi plongée dans l’obscurité par les épais rideaux en velours damassé qui masquaient les hautes fenêtres. Comment était-elle arrivée dans cette chambre... ?

Elle avait beau se creuser la tête, aucun souvenir n’émergeait de sa mémoire engourdie.

Elle ouvrit plus grand les yeux et fixa avec étonnement le lourd baldaquin qui surplombait le lit sur lequel elle était couchée... entièrement nue.. Cette soudaine constatation, la fit sursauter. Elle se réveillait dans un lieu inconnu ... complètement dénudée... et elle ne se rappelait de rien.... D’un mouvement de pudeur instinctive, elle voulut se recouvrir.

L’angoisse sourde qui la tenaillait depuis son réveil se mua alors en panique. Ses poignets ainsi que ses chevilles étaient solidement entravés en croix aux quatre montants du lit dans une position dont elle pressentit soudainement toute l’indécence. Inquiète, elle se tortilla un moment essayant de se libérer des liens en cuir qui la retenait écartelée. Elle sentit, sous la pression qu’elle infligeait à ses avant bras, le cuir mordre la chair fragile de ses poignets sans pour autant arriver à desserrer ses liens. Elle sentit sous l’affolement qui maintenant j’habitait toute entière, son pouls s’accélérer et son cœur s’emballer à un rythme effréné. Un gémissement étouffé s’échappa de ses lèvres.

Mais où donc était-elle ? se répéta-t-elle angoissée. Que s’était-il passé ? Que lui était-il arrivé ? Qui l’avait emmenée dans cet endroit ? Que lui avait-on fait ? De nouveau, elle tira vivement sur ses liens, sans plus de résultat. Elle ferma les yeux et, malgré la migraine qui lui vrillait les tempes, essaya de rassembler ses souvenirs.

La dernière image précise qui lui revenait en mémoire était cette salle de restaurant où elle déjeunait en compagnie de..... Pierre. Oui c’était cela... Elle déjeunait avec Pierre qu’elle avait rencontré quelques jours auparavant au cours d’une soirée chez Sophie.

Immédiatement, il lui avait plu. Inexplicablement elle avait été attirée par cet homme à la stature imposante et au regard noir qui toisait le monde d’un regard méprisant et hautain et où il lui avait même semblé voir briller, mais peut-être l’avait-elle simplement imaginé, une lueur sadique. Pendant toute la soirée, alors qu’elle ne pouvait s’empêcher de le dévorer des yeux, il avait paru l’ignorer. Ce n’était qu’au moment du départ qu’il s’était enfin approché d’elle l’enveloppant d’un regard d’une impudente sensualité qui l’avait faite défaillir. Elle avait senti une bouffée de désir empourprer ses joues et envahir ses reins alors que son parfum aux effluves musquées l’avait enveloppée. Il avait fixé ses yeux dans les siens, sûr de lui et, avec une nonchalante assurance, lui avait demandé son adresse et son numéro de téléphone.... Interloquée, elle l’avait regardé mais, au lieu de le remettre vertement en place pour son outrecuidance ainsi qu’elle en avait l’intention, elle s’était vu, comme hypnotisée, lui tendre docilement sa carte. Elle se souvenait de l’émoi qu’elle avait ressenti alors que ses doigts, un bref instant, avaient frôlé les siens. Cela avait été comme une décharge électrique qui soudain l’avait transpercée de part en part.

« A très bientôt » lui avait-il lancé en effleurant sa joue du plat de la main et en jaugeant son corps comme s’il la perçait à nu à travers sa robe, avant de s’éloigner sans plus s’occuper d’elle. Elle avait ressenti un pincement de frustration en le regardant partir , la main collée possessivement autour de la taille d’une jeune femme à la beauté fragile et singulière.

Trois jours étaient passés sans qu’il donne signe de vie... Sans qu’elle se l’avoue franchement, Delphine s’était sentie désappointée par son silence. Frustrée par son manque d’empressement. Sans cesse ses pensées la ramenaient à cet homme singulier et elle imaginait, tremblante de désir, ses mains caressant son corps, sa bouche se poser sur la sienne et en prendre possession. Incroyable comme elle avait envie de lui qu’elle ne connaissait pas. Rarement, un homme lui avait fait un tel effet. Il fallait absolument qu’elle le revoit. Mais comment ? Elle ne connaissait même pas son nom et Sophie qu’elle avait interrogée sur son identité, lui avait dit ne pas en savoir davantage. Puis, le matin même, sa voix au téléphone l’avait surprise au lever ! Il lui avait téléphoné pour déjeuner... Subjuguée, elle avait, une pointe d’excitation dans la poitrine, évidemment accepté immédiatement...

Un déjeuner peu banal par la conversation qu’elle avait eue avec lui. En effet, incapable de lui résister, elle lui avait dévoilé, sous le feu roulant de ses questions autoritaires et directes, ses sentiments les plus secrets et les moins avouables. Tous ces désirs que d’habitude par crainte d’être jugée, elle enfouissait au plus profond d’elle-même. Rapidement, elle lui avait avoué son plus cher désir.. vivre au moins une fois pleinement ce fantasme de soumission qui la tenaillait et appartenir pleinement, corps et âme, à un homme.

— Vous le désirez vraiment ? lui avait-il demandé avec gourmandise en la fixant dans les yeux.

— Oui, lui avait-elle répondu avec un frémissement

— Qu’est-ce qui vous en a empêché jusqu’à maintenant ? Vous ne me semblez pas être une femme timorée.

— Je ne sais pas... Il m’est sans doute difficile de lutter contre le poids des habitudes, des conventions sociales... et puis, continua-t-elle avec aplomb ignorant les signaux d’alerte qui retentissaient en elle, est-ce surtout parce que je n’ai jamais rencontré d’homme à la hauteur de la situation et... de mes espérances...

En disant ces derniers mots, elle savait qu’elle lui jetait un défi. Allait-il le relever ? Elle l’espérait au moins autant qu’elle le craignait. Mais il lui semblait être entraînée par quelque chose de plus fort qu’elle même. Intuitivement, elle savait qu’elle devait dire cela et qu’importe où cela la mènerait. Cela faisait trop longtemps qu’elle attendait ce moment où, enfin, elle avait la possibilité de se mettre vraiment à nue. D’être parfaitement sincère. Et, surtout, d’être entendue et comprise et, peut-être espérai-elle, donner enfin vie à ses fantasmes.

— Q’entendez-vous par là ?

— Les hommes sont trop faibles et surtout incapable d’assumer pleinement ce rôle de dominateur.

— Vous croyez vraiment cela ?

— Oui, je le crois sincèrement. Je n’ai en tout cas jamais rencontré d’homme capable de m’imposer sa loi et de me soumettre. Mais bon qui sait... peut-être un jour...

Un moment, il l’avait dévisagé avec un léger sourire avant de lui tendre son verre qu’il venait de remplir une nouvelle fois. Elle l’avait entendu demander l’addition. A partir de là, ses souvenirs se troublaient . Elle se voyait sortir du restaurant, le bras de Pierre enserrant sa taille fine comme s’il voulait la soutenir. Un moment, elle avait pensé qu’elle avait trop abusé de ce vin d’Anjou qu’il avait choisi pour accompagner leur déjeuner. Elle se voyait ensuite monter à bord d’un taxi. Par contre, elle n’avait aucun souvenir de l’adresse qu’avait lancé Pierre au chauffeur. Après, le trou noir...

Jusqu’à son réveil dans cette chambre inconnue et étrange, luxueusement meublée, entravée nue au lit.

Elle sentit une boule peser dans sa poitrine l’empêchant de respirer normalement. Une nouvelle fois, elle essaya fébrilement de se libérer des liens qui la retenaient s’arc-boutant désespérément sans souci de la douleur qu’elle s’infligeait. Sans plus de succès que tout à l’heure. Se pouvait-il que cet homme l’ait ainsi enlevée et attachée à sa merci ?

Peu à peu, la pièce s’assombrissait. Depuis combien de temps était-elle là ? A la faible lumière qui perçait à travers les lourds rideaux il lui semblait que c’était déjà la fin de l’après-midi. Quand ils avaient quitté le restaurant il devait être aux alentours de 14h. Quatre heures au moins avaient donc du s’écouler depuis. Elle pouvait être n’importe où. Son angoisse augmenta d’un cran, quand la pensée terrifiante la traversa qu’elle n’avait parlé à personne de ce déjeuner. Ni de Pierre d’ailleurs.... Elle se mit à sangloter en silence sans pouvoir retenir les larmes de détresse qui ruisselaient le long de ses joues.

Peu à peu, malgré la frayeur qui la tenaillait, elle sentit l’engourdissement l’envahir à rester immobilisée dans cette chambre silencieuse, et elle finit par sombrer dans un sommeil agité.

Elle se réveilla soudain....extirpée de sa torpeur par la sensation d’être écrasée sous un poids énorme qui la clouait au lit. LIRE LA SUITE


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