Alice et Soldanelle

Chapitres 25 à 27
dimanche 11 avril 2021
par  lahoule
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— Ce n’est pas possible Lefranc ! Vous avez vu ?
—  Pardon, commissaire, mais de quoi parlez-vous ?
—  De la presse du jour !
— Oui, j’ai vu hier soir, je ne sais pas quoi dire !
—  Non, pas celle d’hier, celle de ce matin. Mais regardez, Bon Dieu !
— Le commissaire principal déploya la une du quotidien du matin. Elle titrait en grosses lettres :

Sexe, Mensonge et Espionnage
¨ Le laboratoire Xsylon au centre d’une affaire peu reluisante !

—  C’est pas possible !
—  Je ne vous le fais pas dire !
—  Co..
—  Comment c’est arrivé chez eux, je me le demande bien, il n’y a que vous, Soldanelle,
—  Henri et moi à être au courant. Vous connaissez cette Patricia D’Angelas qui signe l’article ?
—  En tout cas, impossible que cela soit moi… et je ne connais pas cette journaliste.
—  Soldanelle ?
—  Je ne l’ai pas encore vue.
—  Attendez j’appelle le standard. Allô ! Bonjour ! Passez-moi le bureau de Soldanelle et vite !
—  Ah ! Soldanelle, dans le bureau de Lefranc, vite et passez l’ordre à Henri !
—  Il fulminait, mâchant sa langue pour éviter de lâcher des paroles désagréables.
—  C’est pourtant facile, non, de taire une histoire pareille !
—  Je ne sais vraiment pas qui a pu avoir intérêt à ça ! D’abord, on ne peut pas établir le lien entre Carmen et les luttes économiques des deux laboratoires, de prime abord, sans connaître l’affaire à fond !
—  Il faut croire que si, puisque c’est sur ce tabloïd !
—  On frappa à la porte.
—  Entrez !
Henri ouvrit et fit passer Soldanelle avant lui, puis la referma délicatement.
—  Nom de Dieu ! Qu’est-ce que vous avez foutu ? Regardez-moi un peu ce travail ! Vous étiez les seuls sur cette affaire. Expliquez-moi comment elle est arrivée aux journaux. Soldanelle qui ne s’en laissait jamais compter prit la parole.
—  Ecoutez, patron, vous nous connaissez depuis belle lurette. Personne ici n’avait un intérêt quelconque à ébruiter cette affaire, puisque nous sommes justement en train de l’approfondir dans ses moindres détails. Qu’ils soient croustillants, nous n’y pouvons rien. Quel intérêt aurions-nous eu à les divulguer alors que nous en découvrons à peine les tenants et les aboutissants ?
—  Et bien, justement je me pose cette question. Moi, il faudra que je m’en explique plus haut et je risque les réprimandes politiques. Henri, je ne vois pas. Il ne reste que vous deux.
—  Evidemment, puisque nous sommes des femmes, la faute nous en revient forcément !
—  Attention, Soldanelle, je vous trouve compétente, certes, mais il ne faudrait pas friser le code avec vos impertinences.
—  Je le répète, quel intérêt pour nous ? C’est scier la branche sur laquelle nous sommes assises, puisque nous sommes en train d’infiltrer ce milieu. Il faut chercher ailleurs.
—  Peut-être que nos suspects ont cherché à nous doubler !
—  Lesquels ?
—  Gourmaz, surtout. Il est dans notre collimateur, il le sait. Il a un intérêt certain à faire diversion sur les laboratoires pour éviter que nos soupçons perdurent vis-à-vis de Carmen.
—  Mais là, il mélange justement les deux !
—  Et le photographe ?
—  Il ne peut pas être au courant des intérêts divergents des laboratoires. Et puis quel serait son intérêt ?
—  Il se fait sa propre publicité ! Vous avez vu la photo de la une. Ils sont prêts à tout pour gagner un peu de pognon. Là, il peut ramasser autant du laboratoire que de…
—  De qui, justement ?
—  Des journaux en vendant sa choucroute au plus offrant.
—  Il n’a pas l’air ainsi !
—  C’est cela, protégez-le ! Ce n’est rien d’autre qu’un paparazzi !
—  Sauf que ses photos sont plutôt des épreuves d’artiste que de fouille-merde !
—  Soldanelle, vous le protégez, vous aussi ! Mais qu’est-ce qu’il vous a laissé miroiter pour que vous l’excluiez des suspects ?
—  Il ne pouvait pas être présent le 31 octobre !
—  Il était où ?
—  En Italie, à Torino !
—  Tiens donc ! Au même endroit que Gourmaz ! Curieuse coïncidence tout de même !
—  Mais non, il participait à une exposition au musée du cinéma.
—  Vous avez vérifié au moins !
—  Bien sûr, patron et c’est du solide !
—  Bon. Et vous Henri ?
—  Quel serait mon intérêt ?
—  Etre à la tête d’un laboratoire et jouir de revenus bien plus confortables que ceux de l’Etat !
—  Vous cherchez ma démission, ou quoi ? Vous oubliez, patron que je suis ici depuis dix ans et que ce ne sont pas les occasions qui m’ont manqué d’aller voir ailleurs…
—  Bon, bon, ce sont ces gros titres me font m’emporter ! C’est encore moi qui vais trinquer !
—  Privilège de chef, chef !
-  Stoppez l’humour, je vous prie, je ne suis pas d’humeur ! Lefranc, vous me chopez cette journaleuse et me la passez à la question !
—  Je laisse l’enquête, chef ?
—  Bien sûr que non ! Je veux un résultat pour ce soir. Soldanelle, Henri, vous venez avec moi dans mon bureau.
—  Bien, patron !
—  A ce soir.
Les trois collaborateurs quittèrent le bureau laissant Alice dans un profond malaise. Elle restait avec l’impression bizarre que le boss l’utilisait pour tout et n’importe quoi, l’empêchant d’agir comme elle le sentait, tout en la pressant. Ces messages contradictoires avaient le don de l’énerver. Mais les derniers événements la troublaient tant qu’elle avait l’impression d’avoir toujours un temps de retard. Le téléphone interrompit ses réflexions.
—  Lefranc ?
—  Alors là, bravo ! Moi, je vous laisse des documents que vous êtes sensée utiliser pour votre enquête et ensuite j’en retrouve une épreuve à la une d’un tabloïd. Belle confiance ! Ce n’est pas du tout ce dont nous avions convenu !
—  Excusez-moi, Monsieur San Verità, mais la fuite ne vient pas de chez nous. Connaissez – vous quelqu’un qui vous fréquente, qui a eu de ces photos et qui a un intérêt à divulguer cette affaire ?
—  Je ne vois pas, non !
—  Vous connaissez cette journaliste ?
—  Oui, je l’ai croisée plusieurs fois, une très bonne journaliste.
—  Dans le cadre de vos activités artistiques ?
—  Oui, mais seulement lors de soirées culturelles. Elle fait souvent les papiers dans ce domaine.
—  Et dans vos activités, disons, plus personnelles ?
—  Vous me demandez si je l’ai photographiée ?
—  Exactement.
—  Et bien non, pourtant ce n’est pas l’envie qui m’a manquée. C’est une femme splendide, photogénique avec un regard qui tue, qui..
—  Ca va, j’ai compris…
—  Avait-il fait cette remarque volontairement dans le dessein de la mettre mal à l’aise ou de provoquer sa jalousie ? Alice ignora difficilement son impression et poursuivit ses questions.
—  Aurait-elle pu avoir accès à des photos à votre insu ?
—  Je ne vois pas comment.
—  Vous n’en avez pas donné, transmises à quiconque ?
—  En dehors de vous, je ne vois pas. Bien que… cette journaliste est la fille de B. Constantin, responsable d’un des labos de Xsylon.
—  Comment ? Sa fille ? Mais, il n’est pas encore un peu jeune pour avoir une fille de cet âge ?
—  Il a dû l’avoir très tôt.
—  Et vous, comment le savez-vous ?
—  Par Emilie Termini que j’ai photographiée pour lui.
—  Pensez-vous qu’elle ait pu subtiliser les photos à son père ?
—  Je ne sais pas, mais ce que je sais en revanche, c’est que depuis le divorce de ses parents et le mariage du père avec Emilie, la petite journaliste pourrait bien avoir voulu se venger ainsi.
—  Que vient jouer Gourmaz là-dedans ?
—  Là, je ne peux pas vous répondre. Je ne l’ai que rarement vu. Ce que je sais, c’est que Constantin et lui se connaissent très bien, notamment en raison de leur lien étroit avec Emilie Termini et leur collaboration entre Xsylon et GB-lab de Turin.
—  Donc vous, vous connaissiez l’existence d’un espionnage économique entre les deux laboratoires ?
—  Je connais, je connais. C’est un raccourci qui vous arrange. Moi, je connais leur relation, le fait qu’ils travaillent parfois ensemble et surtout qu’ils sont tous deux membres de la Souricière, où je les vois assez régulièrement.
—  Vous pensez que la journaliste a pu bénéficier des faveurs de son père ?
—  Pourquoi pas ?
—  Mais pourquoi agir ainsi ? Elle ne fait que le condamner !
—  C’est à vous de le découvrir. A chacun son boulot. Moi je vous ai dit ce que je savais.
—  Je vous en remercie ! En tout cas, j’espère que vous êtes convaincu que la fuite ne vient pas de moi.
—  Je commence petit à petit et je vous demande d’excuser mon ton quelque peu excédé.
—  Mais je déteste être ainsi la proie de malveillance.
—  Je vous comprends. Moi également. Donc c’est oublié !
—  Oublié, entendu. Vous connaissez mes attentes !
—  Vos attentes ?
—  En termes de photographe évidemment.
—  Je…
—  N’en dites pas plus, même si le rouge doit vous aller à ravir. Vous avez encore besoin de moi ? Parce que je suis attendu.
—  Non, pas pour l’instant. Je vous recontacterai si j’ai besoin de vous.
—  Que dites-vous si je vous invite mardi soir au restaurant ?
—  Je ne sais… si… tant que mon enquête n’est pas bouclée et… que… disons, vous restez un témoin capital de cette affaire.
—  Allez, personne n’en saura rien. Il faut prendre quelques risques pour pimenter la vie. Je ne patienterai… pas très longtemps, vous savez… Ce n’est pas mon genre.
—  Bon, alors va pour mardi. Mais pas à la Souricière, en tout cas !
—  Entendu. Pas là-bas.
—  Ni dans un club interlope !
—  OK.
—  Alors d’accord pour vendredi, merci pour l’invitation.
—  A vingt heures, je vous appellerai avant sur votre portable.
—  Entendu. Au revoir, Monsieur San Verità !
—  Attendez, encore une chose, Madame l’Inspectrice. J’ai encore trouvé dans mes documents des éléments qui pourraient vous être utiles.
—  Ah ! De quelles sortes ?
—  Ah ! Ça, c’est pour mardi.
—  Vous ne voulez pas me les envoyer ?
—  Non, sans façon.
—  S’il vous plaît !
—  A moins que je passe dans les environs de votre commissariat et que je les pose à la réception.
—  Entendu. Je vous remercie infiniment, Monsieur San Verità.
—  Et qu’on ne vienne pas prétendre que je n’aide pas la police.
—  Pardon, Monsieur San Verità, mais la police n’a pas souvent l’occasion d’être aidée par les milieux… disons… artistiques !
Elle sourit intérieurement de son audace. SanVerità le perçut et répliqua du tac au tac.
—  Oh, quand la police se lance dans l’humour, elle est ravageuse ! C’est un plaisir de contribuer à faire émerger la vérité, quand celle-ci parait si injuste.
—  Je vous remercie infiniment, fit-elle obséquieusement.
Elle souriait intérieurement et constata que ce téléphone lui remontait le moral et lui redonnait l’envie d’aller de l’avant. San Verità était décidément un homme qui la déconcertait.
Soldanelle entra dans son bureau, sans frapper, comme si elle était chez elle. Elle referma la porte et contempla Alice qui raccrochait.
—  C’était San Verità ! sembla se justifier Alice.
—  J’ai bien compris à ta mine, tu sais. Tu en pinces et cela se voit.
—  Vous croyez ?
—  C’est cela, fais l’innocente !
—  Est-ce que cela vous gêne ?
—  Et pourquoi devrais-je en être gênée ?
—  Je ne sais pas, mais…
—  A cause de ton allégeance à moi ?
—  Euh… oui !
—  Ma pauvre, décidément tu restes très fleur bleue. Crois-moi, ce n’est pas parce que tu t’es donnée à moi que cela t’empêche d’avoir tes propres relations. Simplement je vais les contrôler, c’est tout.
-  Et vous pensez que je vais accepter ?
-  En as-tu le choix ? Il est trop tard, ma belle !
Soldanelle fit le tour du bureau, saisit sa soumise par les cheveux et l’obligea à tourner la tête et lui faire face. LIRE LA SUITE




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Commentaires

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samedi 17 avril 2021 à 11h00 - par  lahoule

Merci pour les commentaires toujours utiles à la reflexion pour des futurs... En ce qui concerne cette trame-là, elle s’est construite au fur et à mesure de sa création et de la manière dont « la plume » a filé sur le clavier. Si le texte est devenu de cette taille, c’est pour arriver à une fin possible pour moi. J’aime par exemple que mes personnages gardent une humanité dans leur histoire respective. Si j’y arrive, j’en suis bien heureux et surtout si les lectrices et lecteurs y gagnent leur part de rêve.

Logo de Henic
mardi 13 avril 2021 à 18h30 - par  Henic

Je continue de trouver que l’alliance des deux histoires, policière et polissonne, est particulièrement bien menée.
J’admire la capacité de Lahoule à manier autant de personnages différents avec des imbrications (si j’ose dire) si variées que l’on se croirait par moments sur un trampoline tant il y a de rebondissements. Le dernier en date concerne Soldanelle dont un pan du jeu est dévoilé, avec des implications qui peuvent être multiples et ouvrent le jeu des possibles de la partie policière.
Quant au parcours d’Alice, pour le moins singulier, difficile de dire s’il est réjouissant ou seulement excitant, mais probablement beaucoup des deux !