Tortures africaines (1)

1° partie
samedi 12 septembre 2015
par  Henic
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Introduction 2
1 - Principaux personnages 3
2 - Le général 6
3 - Les tasseaux d’accroupissement 16
4 - Mindi chevauche la corde à nœuds 37
Fin de la première partie 41

Texte de Cortez
Illustrations d’Aries
Traduction Henic

1 - Le Général

La chaleur et l’humidité de la fin d’après-midi est à peine agitée par les ventilateurs qui tournent paresseusement dans la petite salle de conférence du ministre de l’Intérieur. Les persiennes ne servent qu’à souligner la luminosité du soleil africain. Le général s’est assuré que ses visiteurs font face à la fenêtre. La femme est sur ses pieds, elle louche, aveuglée par l’éblouissante lumière, quand elle finit par perdre son sang-froid. Carol Wainwright retire ses lunettes et scrute, le visage rouge de colère, la figure de plomb qui ressemble à un crapaud du général Jonas Achebe de l’autre côté de la table ovale :
« Votre soi-disant gouvernement est une satanée honte ! »
Le regard en colère de l’avocate blonde de vingt-cinq ans parcourt aussi la silhouette en costume impeccable d’Olivier Tembo, le ministre de la Sécurité Intérieure, qui est assis impassible et comme sculpté en cire noir, à côté du général.
« Torture, meurtre, disparitions à propos, quiconque lève le doigt ou ose dire quelque chose se retrouve branché sur le secteur dans une putain de cellule avec les organes génitaux grillés… »
Elle se retourne vers le général, ignorant les deux autres hommes, l’un à sa gauche et l’autre à côté de la porte, qui sont là en silence, les bras négligemment croisés. Ce sont les gardes du corps du général, tous deux équipés de manière agressive, habillés de la même manière en pantalons noirs et chemises blanches à col ouvert ; tous deux arborent des armes dans des étuis d’épaule. Carol Wainwright est consciente de leur intérêt sexuel vulgaire depuis qu’elle est entrée dans la pièce, elle sait qu’ils agissent selon l’attitude de leur chef, qu’ils étudient chacun des mouvements de son corps et la déshabillent des yeux avec une sorte d’insolence complice.
« Je les emmerde, je les emmerde tous », pense-t-elle, « mais il faut que quelqu’un le leur dise… »
Avant que le général ou le ministre puissent réagir, le compagnon de Carol, un homme à l’air fatigué dans une veste légère et froissée et une chemise blanche encore plus froissée, se met à vaciller sur ses pieds pour interrompre sa tirade.
« Mademoiselle Wainwright, Carol, s’il vous plaît… »
Brian Woods, le supérieur de Carol à l’Agence d’Aide Interafricaine, essaie, comme d’habitude, d’introduire un peu d’huile diplomatique sur l’éruption de sa jeune assistante.
« … Le général et le ministre ont été assez bons pour prendre le temps de nous voir en personne… »
Carol se retourne pour lui faire face.
« Pour l’amour de Dieu, Brian, ouvrez les yeux. Même depuis la soi-disant indépendance, ce… ce… »
Quoiqu’elle s’apprêtât à dire, un éclair soudain de quelque chose de brûlant et de cruel dans les yeux du général la fait s’interrompre. Mais elle est tellement en colère qu’elle rejette toute précaution et poursuit avec fougue.
« Ce régime détient le pire record de la région en matière de Droits de l’Homme, sans doute de l’ensemble de ce satané continent. Si vous êtes jeune et intéressé par la politique, ou étudiant, ou journaliste… le simple fait d’avoir un point de vue différent fait de vous une cible et vous conduit très probablement à finir mort ou disparu. Et le risque est double si vous êtes Blanc ou étranger… »
Elle regarde les deux hommes, assis calmement à l’autre bout de la table et frissonne en voyant leur expression vide, mais elle poursuit :
« Et que Dieu vous vienne en aide si vous êtes pris par ces voyous agréés du Bureau de la Sécurité Intérieure… Le BSI adore saisir toute occasion pour vous emmener dans une salle d’interrogatoire pour les aider dans leurs enquêtes… surtout si vous avez la malchance d’être jeune et femme. Cet endroit est une farce de mauvais goût. Je le sais… Vous le savez… Chaque foutu gouvernement étranger et agence d’aide le sait mais ils s’en foutent tous parce que c’est une affaire interne dans un Etat souverain et que nous ne pouvons pas intervenir… »

Après l’explosion de Carol Wainwright, son patron, Brian Woods, tente de calmer la ligne de frémissements entre elle et le général Achebe.
Elle imite les termes de tant de communiqués officiels et frappe du doigt les papiers du dossier qui est devant elle.
« J’ai passé des semaines à rassembler les éléments de ce rapport, Général. Deux autres membres de mon équipe et moi avons parlé avec des dizaines de personnes et il est évident que quelqu’un de haut placé… très haut placé même dans votre administration, mène ce qui équivaut à de la torture privée et de l’esclavage sexuel, et personne, personne ne veut rien savoir ! »
Elle referme le dossier en le claquant, le pousse à travers la table cirée et soupire d’exaspération.
« Je suis désolé, Général, mes excuses, Monsieur le Ministre ; je ne crois pas pouvoir accepter plus longtemps de sincères dénégations ni de promesses d’enquêtes immédiates et d’investigations. »
Elle retire ses lunettes de lecture et essuie la transpiration de son front, écartant ainsi ses cheveux blonds de ses yeux. Ce mouvement l’empêche de percevoir l’éclair soudain de cruauté brutale dans les yeux du général ; mais elle est juste assez rapide pour saisir le sourire narquois, huileux, du Ministre suscité par ses paroles. Avec une horreur grandissante, elle réalise beaucoup, beaucoup trop tard, qu’elle vient de faire une erreur tactique majeure. Oh Dieu ! Pourquoi n’a-t-elle pas fait le lien évident… ? Le véritable ennemi est ici, ce sont ces deux hommes qui la regardent avec autant d’attention. Tout ce que ces stupides investigations ont fait est de la marquer elle-même, Carol Wainwright, très clairement et sans erreur possible, comme leur prochaine cible. Elle se sent se glacer de peur et la panique monte en elle tandis que le général continue de sourire en la regardant comme un gros crapaud noir.
Il faut qu’elle sorte… Qu’elle quitte l’immeuble et retourne au bureau. Les pensées courent dans son cerveau… Il n’y a pas qu’elle ; il faut également se soucier de sa jeune amie, Suzy. Son arrivée inattendue a été pour le moins difficile et son tempérament avait récemment explosé. Maintenant, il lui faut inclure Suzy dans toute démarche visant à quitter rapidement le pays, avant que les voyous dociles du général issus du BSI ne mettent aussi leurs mains perverses sur elle. Sa diction s’accélère et devient embarrassée :
« Je suis désolée de vous avoir dérangée, Général. Je suppose que Monsieur Woods a raison… C’est quelque chose qu’il faut que nous traitions avec les agences de l’ONU et le consulat. Je vous remercie pour votre temps. Je vous prie de m’excuser. Brian, je serai au bureau pendant que vous finirez ici. »
Elle bafouille ses excuses, fait presque tomber le fauteuil dans sa hâte à reprendre le dossier avant de se précipiter dehors, chaque ligne de son superbe corps tendue de rage contenue. La porte claque derrière sa fuite.
« Général, je ne peux que vous présenter des excuses… Mademoiselle Wainwright est encore… jeune et inexpérimentée sur les coutumes africaines ; elle est même idéaliste… Quelquefois, ses mots s’envolent avec elle Ce n’est rien, rien du tout. Je vous donne mon assurance personnelle que les investigations de Mademoiselle Wainwright vont cesser immédiatement. Aucun rapport ne sera émis… Je vais personnellement m’assurer qu’il n’y aura aucun enregistrement de ceci… rien du tout. »
Le général Achebe incline la tête et écoute un commentaire qu’Olivier Tembo lui murmure discrètement…
« Oui, oui bien sûr, ce serait le mieux. Je suis désolé, Monsieur Woods ; excusez ma rudesse, je comprends très bien. »
Sa voix respire la sincérité et la préoccupation.
« C’est très aimable à vous, discipliner Mademoiselle Wainwright est entièrement du ressort de l’Agence ; il n’y aura pas de plainte de mon gouvernement. Après tout, il vaut mieux que de telles choses restent privées, je crois… N’êtes-vous pas d’accord ? »
Brian Woods essuie son front luisant avec un mouchoir humide et opine, souriant fixement pendant que les deux hommes attendant quelques instants. Le général tend une main indolente.
« Mais nous vous retenons, je suis sûr qu’une personne de votre importance a des occupations qui nécessitent votre attention sans délai… ? »
Sommairement congédié, Brian Woods se précipite avec reconnaissance hors de la pièce, considérablement soulagé de pouvoir sortir si rapidement. Olivier Tembo regarde la porte close.
« Nous avons deux noms supplémentaires, Jonas, tous deux impliqués dans la préparation du rapport original, deux femmes qui habitent toutes deux ici, dans la capitale, Helen Perry et Mimi Namuma. Elles travaillent avec Mademoiselle Wainwright.
— Alors je pense qu’il est temps que le BSI ait une petite conversation avec Mesdemoiselles Perry et Namuma. »
Le général se lève et plaque ses deux mains sur la table, une fureur brute dans la voix :
« Et une fois que vous serez certain que cet idiot de Woods aura détruit toute copie de ce foutu stupide rapport, je veux aussi connaître vos plans pour s’occuper de cette arrogante chienne blanche d’avocate. Je veux qu’elle soit déplacée, Olivier, rapidement et discrètement… avant qu’elle ne parle à quiconque.
— Du calme, Jonas, dit en souriant le ministre avec une complaisance de lézard, téléphone à l’inspecteur Lubala, au Centre, et dis-lui de prévoir un interrogatoire spécial pour les deux autres demain. Les dispositions pour traiter Mademoiselle Wainwright sont en main. »
Il reprend après une pause :
« Tu comprends que nous devons être un peu plus précautionneux. C’est une citoyenne américaine et nous ne voulons pas que quelque stupide fonctionnaire vienne renifler par ici, n’est-ce pas ? »
Il attend le signe de tête d’approbation et continue :
« Le BSI la surveille depuis ces dernières semaines. Elle a une jeune amie, dix-neuf ans je crois, qui est chez elle. Il s’est produit quelques difficultés d’ordre intime. »
Sa langue passe sur ses lèvres fines, savourant les détails salaces.
« Il semble que la plus jeune aime un peu trop baiser les hommes comme les femmes, et un peu trop souvent. Sa conduite a été moins que discrète, surtout au « Country Club ». On m’a dit que ses vacances ont été écourtées et l’un des surveillants a rendu compte qu’elle est prévue sur un vol demain. »
Olivier Tembo grimace un sourire et glousse :
« Monsieur Woods a offert de les conduire toutes les deux à l’aéroport. Vous savez combien la route peut être dangereuse… »
Il laisse en suspens cette affirmation et le général se met à rayonner, heureux de comprendre.
« J’ai peur qu’il n’y ait pas de survivant. Le corps de Monsieur Woods fournira une identification évidente et nous avons d’autres matériaux adéquats pour permettre à Mademoiselle Wainwright, et à son infortunée compagne, de disparaître sans qu’on le remarque. »
Il a un sourire sinistre.
« Laissons les mains libres à Lubala avec l’avocate jusqu’à ce que nous soyons sûrs d’avoir tous les noms nécessaires… pendant que vous pourrez vous amuser au Pavillon à tester jusqu’à leurs limites les capacités sexuelles réputées de la plus jeune. Je crois qu’elle est rousse… ce sera différent de l’approche habituelle des blondes. »
Le général se penche en arrière et le fauteuil de cuir craque sous son poids.
« Excellent, oui, excellent, je vais donner des ordres à l’inspecteur immédiatement. Peut-être voudras-tu me rejoindre au Pavillon demain matin… Le nouveau système de surveillance est une remarquable amélioration. »
Il glousse de plaisir et continue :
« Tu pourras apprécier de voir l’inspecteur obtenir un genre de chanson très différent de Mesdemoiselles Perry et Namuma… dans le plus grand confort, bien sûr. »
Tembo se lève.
« Je serai là-bas vers onze heures, avec mes remerciements, Jonas. Excusez-moi, je dois partir pour une réunion… Vous n’oublierez pas d’alerter Lubala, n’est-ce pas… ? »
Comme il s’en va, le général prend le téléphone et compose un numéro court, toujours énervé par les insultes de Carol Wainwright et son insolence à oser le défier aussi ouvertement…
« Elle va le payer, oh oui, elle va le payer chèrement… »LIRE LA SUITE

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